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Le mythomane de A à Z

Le mythomane de A à Z

Auteur : Marie-Anne Kantor

Auteur validé / Let's Tolk

Master en psychologie sociale

Publication : 22/01/2024

10 min

Au cas où vous n’étiez pas encore sûr, tout le monde ment. D’ailleurs, selon une étude publiée en 2002, si on demande à des personnes de se présenter à un inconnu, 60% des individus mentent.  

 

Mais le mensonge n’est pas toujours pathologique. Cela va du simple “comment ça va aujourd’hui ?” auquel vous répondez “ça va !” (alors que vous aviez plutôt envie de répondre “Écoute, j’ai dormi deux heures cette nuit, parce que j’ai passé le reste du temps à me demander pourquoi j’ai jamais eu une relation stable avec mon père. Donc à ton avis, comment ça va ?! ”)

Ou le mensonge plus classique du “Je suis en route ”, alors que vous êtes toujours en jogging sur le canapé (on l’a tous fait). 

 

Mais d’où vient le mensonge ? Pourquoi est-il parfois nécessaire ? À quel moment devient-il pathologique ? Et comment réagir face à un menteur invétéré ?

📕 Définition : mythomanie

La mythomanie est une tendance pathologique à mentir. Elle relève donc de la psychiatrie, notamment parce que :

  •  Le mythomane a du mal à faire la différence entre la réalité et les mensonges qu’il a construit.

  • Il ment de façon répétée et compulsive, c’est-à-dire qu’il ne peut pas s’empêcher de le faire et il le fait souvent.

  • Et il nie lorsqu’il est mis face à ses contradictions ou invente de nouveaux mensonges pour se sortir de la situation. 

Mais s’il ment, c’est souvent parce que le mythomane est en souffrance dans sa propre réalité et manque d’estime de lui. Sa vie ne correspond pas à l’image qu’il s’est créé de lui-même. Il a donc besoin de s’inventer des vies parallèles pour se protéger. 

 

La mythomanie n’est pas considérée comme une pathologie en tant que telle par les manuels de diagnostic comme le DSM-V ou la CIM-10. Mais elle fait partie des symptômes de certaines personnalités pathologiques. Autrement dit, si vous croisez des personnalités narcissiques, borderlines ou psychopathes, il y a de fortes chances que la mythomanie fasse partie de leurs caractères.

Ou à l’inverse, si vous croisez un mythomane, il est peut-être borderline, narcissique ou psychopathe.

Origines

Origines du mensonge

Photo de Semyon Borisov sur Unsplash

Le mensonge commence dès l’enfance, à partir de deux ans environ. À cet âge, les tout petits n’ont pas d’intentions manipulatrices. Ils mentent pour cacher une bêtise qu’ils viennent de faire et donc éviter de se faire gronder. Ne pas décevoir les adultes ou éviter de perdre la face, c’est-à-dire se sentir honteux parce qu’ils ont mal fait quelque chose. 

 

Par ailleurs, les enfants n’ont pas tout à fait acquis les frontières entre les bonnes et les mauvaises intentions. Ils peuvent donc mentir sans se rendre compte des conséquences de leurs actes (c’est vrai que les enfants sont parfois complètement immatures …). 

Enfin, les pensées des enfants sont souvent riches. L’imaginaire et la réalité s’y croisent et se côtoient avec des frontières assez floues. Il leur arrive donc de dire des choses qui peuvent sembler bizarres à un adulte, mais qui sont parfaitement crédibles pour eux. C’est par exemple le cas lorsque les enfants parlent de leurs amis imaginaires ou qu’ils vous racontent les histoires qu’ils se sont inventés.

Dire la vérité, ça s’apprend

Dire la vérité, ça s'apprend

Photo de Jason Goodman sur Unsplash

Comme pour beaucoup d’autres choses de la vie, le rapport à la vérité, et ce qu’il implique sur les autres, s’apprend. Cet apprentissage est parfois long. Il nécessite que l’enfant se confronte aux conséquences de ses actes et que les adultes lui expliquent ce que le mensonge implique pour les autres, mais aussi pour lui. C’est sans doute pour ça qu’on a inventé l’histoire de Pierre et le Loup.

 

Certains adultes, suite à des apprentissages défaillants, continuent de s’arranger avec la réalité. Ça peut être le cas, par exemple, s’ils étaient punis sévèrement quand ils avouaient une bêtise en étant enfant. Dans ce cas, l’enfant aura appris qu’il a plutôt intérêt à minimiser son rôle lorsqu’il fait une erreur ou à la dissimuler complètement. Sauf que commettre des impairs quand on est enfants n’a pas beaucoup de conséquences. Mais ça n’est plus le cas en étant adulte. 

 

Il est aussi possible que certains parents soient eux-mêmes mythomanes et entretiennent un rapport négociable avec la réalité. C’est notamment le cas de Sorj Chalandon. Il raconte dans “Profession du père”, comment son père mythomane l’a impliqué dans ses mensonges pendant l’enfance. 

 

Dans tous les cas, si vous avez le sentiment d’avoir un rapport conflictuel avec le mensonge, il peut être pertinent de consulter un psychologue pour en parler, faire le point et résoudre des schémas défaillants.

Pourquoi ment-on ?

Pourquoi ment-on ?

Photo de Ivan Lapyrin sur Unsplash

Les êtres humains sont des créatures sociales. Beaucoup de nos comportements ont donc pour but de mieux vivre ensemble et mieux faire société. Et le mensonge en fait partie. De la légère réinterprétation de la réalité aux mensonges inventés de toutes pièces, le panel est large. Mais quel est l’intérêt de mentir ? 

1- Pour ne pas blesser les autres

C’est la majorité des petits mensonges du quotidien. On ment pour éviter des questions gênantes, pour ménager nos interlocuteurs, pour ne pas déranger, parce que ça n’est pas le moment d’en parler …

2- Correspondre aux attentes des autres

Certaines personnes mentent aussi pour correspondre à ce qu’on attend d’elles. Il s’agit souvent de personnes anxieuses ou qui ont une faible estime d’elles-mêmes. Dans ce cas, elles peuvent mentir pour être appréciées. Vous savez, c’est le classique : "je suis fan de macramé, j’en mets partout chez moi" auquel vous répondez "ah oui ! j’adore" avec un sourire gêné (alors que vous ne savez pas trop ce que c’est).

3- Se donner le beau rôle

On peut aussi mentir pour se donner le beau rôle. C’est-à-dire enjoliver la réalité pour se valoriser dans un groupe d’amis, sur un CV ou devant une conquête amoureuse. Bref, pour regonfler son ego.

4- Ne pas perdre la face

Dans des situations compliquées, en entreprise, ou quand il y a des enjeux, certaines personnes mentent pour éviter de se sentir honteux ou humiliés. En effet, admettre qu’on est responsable d’une erreur peut être brutal pour l’estime de soi, surtout quand on en a peu.

5- Manipuler les autres

Dans ce cas, les mensonges sont calculés, réfléchis et souvent étalés sur le long terme. C’est le cas des mensonges les plus dangereux parce qu’il sont utilisés par des personnes pathologiques et vont nuire à autrui.

Mythomanie et troubles de la personnalité

Mythomanie et troubles de la personnalité

Photo de Tengyart sur Unsplash

La mythomanie peut également être associée à des troubles de la personnalité.

1- Les personnalités narcissiques

Elles mentent pour se valoriser, pour être vues, pour être le centre de l’attention. Elles ont un grand besoin de reconnaissance et peuvent mentir pour se donner le beau rôle. Surtout qu’elles manquent d’empathie et ne s’inquiètent que peu des conséquences de leurs mensonges sur les autres.

2- Les personnalités borderline

Elles alternent généralement entre une survalorisation d’elles-mêmes (comme les narcissiques) et une dévalorisation profonde. Leurs relations sociales sont chaotiques et elles agissent parfois impulsivement. Dans tous les cas, ces personnalités ne supportent pas l’abandon. Ce qui peut expliquer qu’elles utilisent le mensonge pour arriver à leurs fins : soit attirer l’attention de quelqu’un, soit pour maintenir sa présence auprès d’elle.

3- Les personnalités histrioniques

Elles ont également besoin d’être vues et survalorisées auprès des autres. Mais elles utilisent généralement leurs corps ou les comportements sexuels pour attirer l’attention. Et, encore une fois, peuvent utiliser les mensonges de façon pathologique pour être le centre de l’attention.

4- Les personnalités dépendantes

Elles manquent cruellement de confiance en elles. Ces sujets sont convaincus d’être incapables de s’occuper d’eux-mêmes et ont donc besoin d’une tierce personne pour être rassurés, en permanence. C’est notamment le cas, dans un couple, lorsque l’un des deux a absolument besoin d’être validé dans tous ses choix par l’autre. La personne va chercher l’approbation de l’autre, quitte à accepter quelque chose qu’elle sait être fausse ou refuser d’exprimer un désaccord, plutôt que de mettre en péril la relation.

5- Les personnalités psychopathes

De tous les mythomanes, les personnalités psychopathes sont les plus dangereuses. Ces individus mentent pour manipuler les autres et arriver à leurs fins. Certains d’entre eux vont, par exemple, cumuler plusieurs partenaires et vies de familles. Ils devront alors jongler entre leurs emplois du temps et leurs mensonges pour maintenir leurs crédibilités sur le long terme. 

D’autres, vont s’inventer des métiers, comme être producteur de cinéma, ou investisseur pour faire miroiter des opportunités de carrières ou des placements financiers particulièrement attractifs à leurs victimes et leurs extorquer de l’argent. 

Bref, vous l’avez compris, à partir du moment où la vérité n’a plus besoin d’être réelle, la seule limite est celle de l’imagination. 

 

Mais n’essayez pas de reproduire ça chez vous ! Pour rappel : l’escroquerie et l’abus de confiance sont punis par la loi.

Le mythomane sait-il qu’il l’est ?

Le mythomane sait-il qu'il l'est ?

Photo de Irina Krutova sur Unsplash

Le meilleur moyen d’être convaincant est encore de croire en ses propres mensonges. Or s’il y a bien un moment où les menteurs pathologiques doivent créer une réalité parallèle, et donc l’inventer, il y a aussi un moment où ils finissent par se convaincre qu’elle est vraie. Bref, tout ça relève donc du dilemme de l’oeuf ou de la poule.

La mythomanie, c’est problématique pour qui ?

“Les promesses n’engagent que ceux qui y croient”. Tant que les mythomanes sont crus, ils n’ont pas tellement de raisons d’arrêter de mentir. Les personnes qui souffrent le plus de la mythomanie sont donc souvent les autres. Et quand c’est le cas, ils en souffrent énormément.

Démasquer un mythomane en 4 étapes

Démasquer un mythomane en 4 étapes

Photo de Max Bender sur Unsplash

Un menteur compulsif peut arrêter de mentir s’il est acculé dans ses mensonges ou s’il est démasqué. Parfois, pour tenir leurs mensonges sur le long terme, certains mythomanes engagent des frais, cumulent plusieurs vies, s’entremêlent dans leurs affabulations et n’arrivent plus à s’en dépêtrer. Mais pour les autres, le mal est déjà fait. Il vaut donc mieux savoir les reconnaître pour mieux s’en prémunir.

  1. Pour démasquer un menteur, le plus simple est encore de lui poser des questions. Avec beaucoup de naïveté et d’innocence. Mais vraiment BEAUCOUP de questions. Cherchez la petite bête.

  2. Bref, agissez comme un enfant de quatre ans qui voudrait comprendre et non pas comme un flic qui essaie de faire avouer quelqu’un. Plus les questions sont simples, plus elles sont efficaces. Et surtout, si votre interlocuteur vous pense crédule, il racontera plus facilement n’importe quoi. 

  3. Faites lui remarquer ses incohérences. Une fois que vous avez posé beaucoup de questions et que vous avez eu beaucoup de réponses, il y a de fortes chances que la personne finisse par se contredire. Faites lui remarquer et observer ses réactions. 

  4. Si vous sentez que votre menteur est plus mal à l’aise avec la situation qu’un manipulateur né, vous pouvez aussi tenter de lui dire l’une de vos vérités. Se mettre à nu devant un menteur peut aussi libérer la parole.

Les autres types de menteurs

Les autres types de menteurs

Photo de sebastiaan stam sur Unsplash

Les raisons de mentir sont plurielles (revaloriser son estime de soi, manipuler les autres, ou simplement, éviter les petits tracas du quotidien). D’ailleurs, certaines personnes, qui pourraient passer pour des mythomanes, souffrent d’une tout autre pathologie. Il est donc important de savoir les dissocier pour mieux les appréhender.

1- Trouble dissociatif de la personnalité VS mythomanie

Vous connaissez tous un film avec un coup de théâtre spectaculaire où EN FAIT ! le méchant était le gentil parce qu’il n’est qu’une seule et même personne. Par exemple : Tyler Durden dans Fight Club (ndlr : déso, je ne considère pas que cette révélation soit un spoil. Ce film est sorti il y a plus de 20 ans …). Le nom de cette pathologie est un trouble dissociatif de la personnalité (et non pas la schizophrénie, comme on l’entend souvent). 

 

Dans le trouble dissociatif de la personnalité, la personne sait qu’elle a différentes personnalités, mais chacune est indépendante. Les personnalités cohabitent toutes dans le même corps, avec plus ou moins de bonne entente. 

 

Contrairement à la mythomanie, les personnes qui souffrent d’un trouble dissociatif ne mentent pas. Elles sont dans un état de dépersonnalisation et/ou de déréalisation. C’est-à-dire qu’elles ont une perception déformée d’elle-même et/ou de la réalité. Et évidemment, le plus souvent, elles souffrent de la situation et n’en tirent aucun bénéfice.

2- Schizophrénie VS mythomanie

La schizophrénie est une maladie psychiatrique caractérisée, entre autres, par des symptômes positifs. C’est-à-dire des symptômes qui s’ajoutent au fonctionnement cognitif normal des individus. Il peut s’agir d’idées délirantes ou d'hallucinations.

3- Syndrome de Münchhausen VS mythomanie

Dans le syndrome de Münchhausen, la personne s’invente une pathologie pour attirer l’attention des autres et obtenir des soins de leur part. Leur objectif est que les autres les trouvent courageux, s’occupent d’eux avec des soins et de la sollicitude. Pour être crédible, ces individus peuvent s’injecter des médicaments et chercher à se rendre volontairement malade. 

 

Dans le cas du syndrome de Münchhausen par procuration, une personne, souvent une femme, va rendre malade son enfant pour que des personnels soignants s’occupent d’elle. 

Les syndromes de Münchhausen sont des formes de mythomanie particulièrement avancées puisqu’elles impliquent des violences physiques, sur soi-même ou sur autrui.

Que faire si on est victime d’un mythomane ?

Que faire si on est victime d'un mythomane ?

Photo de Matthew Waring sur Unsplash

En fonction du type de mythomane que vous avez croisé, les mensonges ont pu avoir une grande influence sur votre vie. 

 

Les mythomanes psychopathes se servent de la confiance des individus pour arriver à leurs fins. Que ce soit pour détourner de l’argent, avoir une double vie, ou s’inventer un métier qui n’existe pas.

Si vous avez été victime d’un mythomane, 

  • Parlez-en ! Ça n’est pas votre faute : les mythomanes savent comment manipuler les individus pour arriver à leurs fins. Et ils comptent sur le silence de leurs victimes pour continuer leurs méfaits. Par ailleurs, il est aussi possible que vous ne soyez pas seul dans cette situation et que d’autres personnes aient été manipulées. Partager votre expérience vous permettra de mieux tenir le choc. 

  • Portez plainte pour vous sentir en sécurité vis-à-vis du mythomane. Mais aussi éviter qu’il ne recommence sur d’autres personnes. 

  • Consultez un psychologue : à la découverte du mensonge, un monde s’écroule. Tout ce que vous pensiez être vrai disparaît du jour au lendemain. Il faut donc faire le deuil d’une vie falsifiée pour reconstruire dans le réel. Et il faut aussi faire le deuil de la relation que vous aviez avec le mythomane.

 

De plus, être victime d’un mythomane met un sacré coup de massue dans la confiance que vous aviez dans les autres. Le risque est donc de devenir, non pas paranoïaque, mais beaucoup trop suspicieux des agissements des uns et des autres.

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